Les salons de l'objet d'art

Clément Petibon, l’empreinte du temps

Né en 1991 à Tours (France), Clément Petibon a grandi au bord de la Loire, fleuve majestueux et imprévisible. Cette proximité avec les éléments a profondément marqué son enfance et continue d’influencer sa sensibilité artistique. Aujourd’hui, en tant que céramiste, il s’intéresse aux traces que le temps laisse sur nos vies et aux pouvoirs évocateurs des paysages à travers ses bols en terres mêlées grès et porcelaine.

Depuis 2018, il développe un travail de recherche autour de la notion d’art expérimental. Pour lui, chaque étape du processus est essentielle : elle permet d’apprendre, de découvrir et d’annoncer de nouvelles idées. Ce n’est pas tant le résultat qui compte, mais la manière d’y parvenir. Clément Petibon expérimente la matière comme un cheminement de pensée, se laissant guider par son instinct.

La série Héritage(s) s’inscrit dans cette réflexion en mettant en scène une danse à trois temps : construction – destruction – création. Elle interroge notre rapport au monde et à nous-mêmes à travers une approche plastique radicale. Héritage(s) devient un archétype du contenant, dans son acception la plus simple : un objet domestique, berceau de l’humanité, nourri de récits et d’expériences.

En activant la matière par la destruction, Clément Petibon interroge son propre apprentissage technique. Le délabrement devient un outil expérimental, une manière d’explorer d’autres esthétiques, à rebours de la quête de perfection propre aux métiers d’art. La non matière, issue de cette altération, ouvre un espace de réflexion : en laissant place au vide, elle attire le regard vers l’intérieur, vers le contenu, vers l’histoire.

Portrait de Clément Petibon
objets sculpturaux

Ce processus s’inscrit également dans une réflexion critique sur notre époque. L’entropie, thème récurrent dans son travail, évoque une société en perte de repères, où l’objet devient obsolète dès sa création, et où la technologie est érigée en nouvelle divinité. Le fondement de cette recherche repose sur l’audace de remettre en question nos acquis et de préserver notre liberté de pensée.

Clément Petibon travaille essentiellement à partir de terres mêlées, composées de grès et de porcelaines colorés, qu’il assemble selon des techniques spécifiques (plaquage et estampage). Ses pièces sont ensuite cuites à haute température, dans des fours électriques ou fours à bois. Il applique engobes et émaux pour enrichir les textures.

Le cœur de sa démarche réside dans l’activation de la matière encore crue au chalumeau, ce qui altère la surface et révèle des strates géologiques, comme une fouille au sein de la terre. Cette première confrontation au feu laisse apparaître une esthétique du délabrement : la matière semble érodée, creusée, parfois jusqu’à céder la place au vide. Ce dernier devient un passage pour le regard, une ouverture vers l’imaginaire.

Ses créations prennent la forme d’objets sculpturaux, à l’esthétique brute et saillante, qui détournent la fonction attendue. L’objet devient prétexte à expression, témoignage de vie. Certaines œuvres évoquent des fresques archéologiques, des fragments d’un passé lointain qui, en surgissant aujourd’hui, racontent quelque chose de notre présent.

grès et de porcelaines colorés
pièces sculpturales